Sujet Archéo-biogéochimie isotopique, reconstitutions des régimes alimentaires et des schémas de mobilité, et interactions bio-culturelles. Les sépultures plurielles de la région X de la catacombe des Saints Pierre-et-Marcellin (Rome, Ier-IIIe s. ap. J.-C.)
Date jeudi 17 décembre 2015 à 14h
Lieu Amphithéâtre 1 du Bâtiment 6 (Université de Bordeaux, Campus Sciences et Techniques, Allée Geoffroy Saint-Hilaire, Pessac)
Résumé
Entre 2003 et 2010, des ensembles sépulcraux inédits ont été découverts et fouillés au sein de la région centrale, dénommée X, de la catacombe des Saints Pierre-et-Marcellin (Rome, Ier-IIIe s. ap. J.-C.). Ces ensembles se sont révélés être des sépultures plurielles atypiques au fonctionnement complexe. Plusieurs centaines de défunts y ont été inhumés en leur sein de manière extrêmement rigoureuse et selon des pratiques funéraires singulières. Des arguments archéologiques (simultanéité des dépôts) et biologiques (absence de lésions osseuses) ont été autant d’éléments plaidant en faveur d’une ou plusieurs crises de mortalité de nature probablement épidémique à l’origine de ces ensembles sépulcraux. Cette ou ces crise(s) se seraient effectuée(s) sur un temps relativement long avec différentes phases de résurgence et de quiétude. En outre, la présence de matériaux onéreux découverts en association avec les défunts a permis de suspecter un haut rang social de ces derniers. De plus, le recours à un appareil funéraire original qui par certains aspects pourrait trouver des similitudes avec des pratiques funéraires non romaines suggérait une possible allochtonie des individus inhumés en ce lieu. Notre travail de recherche doctorale s’inscrit dans ce contexte avec pour objectif premier de reconstituer par une approche archéo-biogéochimique multi-proxy (δ13C, δ15N, δ18O et 87Sr/86Sr) et multi-tissulaire (émail, os, cheveu) les régimes alimentaires et les schémas de mobilité d’un sous-échantillon de 130 individus issus de ces ensembles sépulcraux. D’une façon générale, nous avons pu mettre en évidence que l’essentiel des individus ont eu accès à un régime alimentaire type fondé sur la triade Céréale C3/Viande C3/Poisson marin. Ce régime alimentaire type ne serait toutefois pas exclusif. Certains individus (n = 13) auraient pu en effet consommés de façon occasionnelle d’autres catégories de ressources telles que des poissons dulcicoles ou des céréales C4. Par ailleurs, cette population se singulariserait sur un plan strictement alimentaire au regard des autres populations contemporaines de Rome. D’une façon générale également, près d’un quart (n = 30) des individus étudiés seraient migrants. Ces derniers ne se distingueraient pas de par leur alimentation des résidents romains. Ces migrants auraient des trajectoires de vie complexes et hétérogènes ; trois schémas de mobilité distincts sembleraient se dégager. Ils seraient en outre originaires de supra-régions très différentes à l’instar de l’Europe, de l’Afrique, de l’Arabie ou de l’Asie mineure. Par ailleurs, cette population ne se différencierait pas des autres populations romaines en termes de taux de migrants mais se distinguerait cependant par son cosmopolitisme. Enfin, sur la base de ces éléments et des données historico-archéologiques, nous avons pu rediscuter du statut social des défunts, de l’origine de traits culturels et de la chronologie du site. Nous avons enfin tenté d’argumenter l’hypothèse d’une possible origine chrétienne des inhumés.