La domestication du cheval dans les steppes de la basse vallée du Don et de la Volga il y a 4200 ans a constitué un véritable tournant dans l'histoire des sociétés humaines, affectant aussi bien la dynamique de leurs relations, que leur capacité à se faire la guerre et leurs systèmes de croyances. Le cheval les a en effet dotées d'une capacité à se déplacer à des vitesses encore inégalées sur de longues distances, facilitant ainsi les contacts et les échanges entre les peuples. Mais qu'il soit attelé aux chars de guerre ou monté, le cheval a aussi vite fait de prendre une place centrale dans l'arsenal militaire ; il a ainsi représenté un allié indispensable à l'expansion et à la défense de nombreux empires au cours de l'histoire, jusqu'à la seconde guerre mondiale où il cohabita avec les chars blindés motorisés. Par sa vitesse, sa puissance, et le prestige qui lui est associé, le cheval n'a enfin pas manqué d'être enterré aux côtés des humains, témoignant d'un lien fort, religieux, liant les deux espèces par-delà la mort. Si notre compréhension de l'histoire des chevaux n'a pu longtemps progresser que par les méthodes classiques de l'archéologie et des sciences historiques, elle a pu, ces dernières années, considérablement avancer grâce à l'essor des sciences génomiques, et en particulier notre capacité à cartographier les variations (épi)génétiques des chevaux à la fois dans l'espace et dans le temps, à partir de restes archéologiques vieux de quelques siècles à quelques milliers d'années. La connaissance des génomes des chevaux anciens nous permet ainsi désormais à la fois de retracer les réseaux de production et d'échange des chevaux, que de prédire leurs caractéristiques biologiques, révélant ainsi la diversité des pratiques d'élevage et rituelles déployées au cours de l'histoire. Il ne fait aucun doute que le premier Empire des steppes de Mongolie (l'Empire Xiongnu) et la première dynastique Impériale de Chine (la dynastie Qin) n'auraient pu s'établir, dans la seconde moitié du premier millénaire avant notre ère, sans leur rapport étroit au cheval. Pour autant, de très nombreuses zones d'ombres demeurent quant aux modes de production des chevaux sous-jacents, leurs flux de part et d'autre de la Grande Muraille alors en construction, et leur place dans les rites et la cosmologie de ces peuples. Apporter des réponses à chacune de ces questions représente l'objectif central du programme ERC Synergy Horse Power dans lequel s'inscrit ce travail de thèse. Ce travail de thèse s'appuiera sur un corpus exceptionnel de vestiges osseux et dentaires de chevaux provenant de sites archéologiques recouvrant les steppes d'Asie Centrale, les steppes de Mongolie et la Chine, datant de l'Âge du Bronze à l'Âge du Fer. Leur analyse paléogénomique reposera sur un séquençage du génome complet pour les vestiges dont l'ADN s'avère le mieux préservé, ou sur une caractérisation par capture génique de plusieurs centaines de milliers de variants (épi)génétiques pour les autres. L'analyse paléogénomique mettra donc en œuvre autant un travail de laboratoire en salles blanches pour extraire et manipuler les molécules d'ADN ancien en vue de leur séquençage, qu'un travail bio-informatique permettant l'identification des variations (épi)génétiques portées par 500-1000 chevaux anciens. L'étude s'intéressera, dans un premier temps, à une échelle régionale visant à cartographier la structure génétique des populations de chevaux et identifier les principales zones d'échange et flux de chevaux à travers les steppes et la Chine. Elle visera, dans un second temps, à dévoiler les caractéristiques biologiques des chevaux retrouvés dans un site funéraire Mongole typique de l'Âge du Fer, sacrifiés par dizaines et disposés de manière coordonnée comme autant de satellites autour d'une tombe centrale humaine.
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